Hommage de Chesterton à George MacDonald (2ème volet)

Par le Père Robert Wild. Publié dans la revue Gilbert et traduit et publié ici avec l’aimable autorisation de Dale Ahlquist.

George MacDonald

DANS SON AUTOBIOGRAPHIE, CHESTERTON RAPPELLE comment les mythes des contes de fées sont restés les vérités fondamentales de son monde intérieur. The Princess and the Goblin (La Princesse et le Gobelin) de George MacDonald a contribué ainsi à préparer l’esprit de Chesterton au dogme chrétien. Ce serait une étude fascinante, si elle n’a pas déjà été réalisée, que d’établir des parallèles entre les vérités chrétiennes contenues dans les écrits de MacDonald et la propre pensée religieuse de Chesterton.

Chesterton nous décrit « le tour » que lui jouèrent les écrits de MacDonald, qui baptisa sa propre imagination à la lecture de The Princess and the Goblin (La Princesse et le Gobelin). Grâce à ce livre, il put apprécier de manière imaginative, il me semble, la doctrine du péché originel, ce qui permit à l’Esprit Saint d’entamer le processus de sa conversion. (Il dira plus tard que le péché originel est la seule doctrine de la foi qui ne nécessite aucune preuve). Je pense également, et nous y reviendrons brièvement, que la description parfois profonde du mal par MacDonald (comme dans Lilith, par exemple) confirmait ce que Chesterton avait expérimenté du mal personnel dans sa propre vie. Mais avant d’entrer dans cette interprétation, voici comment Chesterton décrit le rôle que joua pour lui The Princess and the Goblin (La Princesse et le Gobelin) :

Illustration de Jessie Willcox Smith tirée de « The Princess and the Goblins » (La princesse et les lutins) de George Macdonald

Quand je dis que c’est semblable à la vraie vie, ce que je veux dire c’est ceci. Il décrit une petite princesse vivant dans un château dans les montagnes qui est perpétuellement miné, pour ainsi dire, par des démons souterrains [notez le mot démons] qui remontent parfois par les caves. Elle monte les escaliers du château pour se rendre dans la chambre d’enfant ou dans les autres pièces ; mais de temps en temps, les escaliers ne mènent pas aux paliers habituels, mais à une nouvelle pièce qu’elle n’a jamais vue auparavant et qu’elle ne peut généralement pas retrouver. C’est là qu’une bonne arrière-grand-mère, qui est une sorte de fée marraine, est perpétuellement en train de tourner et de prononcer des paroles de compréhension et d’encouragement. Lorsque je lus ce conte, enfant, j’eus l’impression que tout se passait à l’intérieur d’une véritable maison humaine, qui n’était pas très différente de la maison dans laquelle je vivais, qui comportait elle aussi des escaliers, des chambres et des caves. C’est en cela que ce conte de fées diffère de beaucoup d’autres contes de fées ; c’est surtout en cela que cette philosophie diffère de beaucoup d’autres philosophies. J’ai toujours ressenti une certaine insuffisance dans l’idéal du Progrès, même quand il s’agit de la meilleure sorte de Progrès, celui du Pèlerin. Cela ne suggère guère à quel point les meilleures et les pires choses sont proches de nous dès le départ, et peut-être même surtout dès le départ. Je parle de ce que l’on peut appeler avec insistance la présence des dieux de la maison – et des lutins de la maison. Et l’image de la vie dans cette parabole n’est pas seulement plus vraie que l’image d’un voyage comme celui du Pèlerin, elle est encore plus vraie que la simple image d’un siège comme celui de la Guerre Sainte. Il y a quelque chose de non seulement imaginatif mais d’intimement vrai dans l’idée que les lutins se trouvent sous la maison et qu’ils sont capables de l’assiéger depuis les caves. Lorsque les choses maléfiques qui nous assiègent surgissent, elles ne surgissent pas de l’extérieur, mais de l’intérieur.

Plus tard, Chesterton lira dans l’Évangile les paroles du Seigneur sur la haine, l’adultère, la cupidité, le meurtre – les lutins domestiques – qui viennent de l’intérieur, du cœur, et sur le fait que « rien d’extérieur à l’homme ne peut le souiller ». Cette expérience des lutins qui viennent de l’intérieur est une expérience universelle, seulement niée par les personnes qui ne veulent pas assumer la responsabilité de leurs propres actes. Nous ne « progressons » pas en nous éloignant des lutins ; nous ne lançons pas non plus une attaque finale et réussie contre le château. Jusqu’à notre dernier jour, nous faisons l’expérience des lutins qui sont en nous et nous sommes appelés à une vigilance éternelle. Ce que C.S. Lewis a dit de lui-même pourrait s’appliquer à Chesterton :

Je tombai au pied d’un des grands arbres. par John Bell, 1894 tiré de Phantastes : A Faerie Romance de George MacDonald

Phantastes était assez romantique en toute conscience, mais il y avait une différence. À cette époque, rien n’était plus éloigné de mes pensées que le christianisme et je n’avais donc aucune idée de ce qu’était réellement cette différence. Je savais seulement que si ce nouveau monde était étrange, il était aussi accueillant et humble, que si c’était un rêve, c’était un rêve dans lequel on se sentait au moins étrangement en état de veille….

George MacDonald, à travers ses fictions chrétiennes, enfouit au plus profond de l’esprit de Chesterton certaines semences de la vérité. Plus tard, lorsque Chesterton lut enfin les Évangiles, les images simples de La Princesse furent « plus corroborées que corrigées lorsque j’en vins à donner un nom plus précis à la dame qui nous surveillait du haut de la tourelle, et peut-être à adopter un point de vue plus pratique sur les lutins sous le plancher ».

Le père Robert Wild est prêtre de la communauté de Madonna House à Combermere (Ontario), fondée par Catherine Doherty.

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer