Critique d’Art

Par G.K. Chesterton. Publié dans la revue Gilbert et traduit et publié ici avec l’aimable autorisation de Dale Ahlquist.

Je ne trouve rien à redire au fait que l’homme adore les nouveautés, mais je m’oppose à ce qu’il adore la nouveauté. Je m’oppose à ce genre de concentration sur l’instant immortel, parce qu’elle rétrécit l’esprit, tout comme le fait de fixer un objet minuscule, qui devient de plus en plus proche, rétrécit la vision. (Illustrated London News, 12 novembre 1932)

1912 Détail de Femme debout – Pablo Picasso (1881-1973), Encre, fusain trempé dans l’huile et gouache sur deux feuilles de papier vélin blanc cassé.

C’est peut-être dans le cas de ce qu’on appelle l’Art et de ceux qu’on appelle les Critiques d’Art que cette distinction est la plus comiquement évidente. Il est évident qu’un paysage séduisant ou un visage vivant ne peuvent exprimer qu’à moitié la sainte ruse qui a fait d’eux ce qu’ils sont. Il est tout aussi évident qu’un peintre de paysage n’exprime que la moitié du paysage, un portraitiste que la moitié de la personne ; ils ont de la chance s’ils expriment autant. Et il est encore plus évident que toute description littéraire des images ne peut en exprimer que la moitié, et la moitié la moins importante. Pourtant, elle exprime quelque chose ; le fil n’est pas rompu qui relie Dieu à la Nature, ou la Nature aux hommes, ou les hommes aux critiques. Le critique moderne est un imbécile, parce qu’il prétend être totalement inarticulé. La parole, c’est son affaire, et il se vante d’être muet. Devant Botticelli, il est muet. Et les panégyristes des dernières folies artistiques (le cubisme, le post-impressionnisme et M. Picasso) sont des panégyristes et rien d’autre. Ce ne sont pas des critiques, et encore moins des critiques créatifs. Ils n’essaient pas de traduire la beauté en langage ; ils se contentent de vous dire qu’elle est intraduisible, c’est-à-dire inexprimable, indéfinissable, indescriptible, impalpable, ineffable, et tout le reste. Le nuage est leur bannière, ils crient au chaos et à la vieille nuit. Ils font circuler une feuille de papier sur laquelle M. Picasso a eu le malheur de renverser l’encre et d’essayer de la sécher avec ses bottes, et ils cherchent à terrifier la démocratie par les bons vieux arguments anti-démocratiques : que « le public » ne comprend pas ces choses ; que « les gens comme nous » ne peuvent pas oser remettre en question les sombres décisions de nos seigneurs. Si les critiques d’art ne peuvent rien dire sur les artistes, sauf qu’ils sont bons, c’est parce que les artistes sont mauvais. Ils ne peuvent rien expliquer parce qu’ils n’ont rien trouvé ; et ils n’ont rien trouvé parce qu’il n’y a rien à trouver. (« Le Mystagogue », A Miscellany of Men)

La critique moderne en est venue à signifier ceci : personne ne sait ce qu’un artiste essaie de faire, et donc personne ne sait s’il l’a fait. (New York American, 30 décembre 1933)

Un critique d’art à l’intelligence manifeste est assis devant un absurde morceau de papier buvard, hébété mais soumis. Il dit en fait, en plusieurs mots, qu’il ne peut en tirer ni tête ni queue, mais que l’avenir s’en chargera. (Illustrated London News, 23 décembre 1911)

Le mieux serait que nous soyons tous de sérieux critiques d’art ; que la démocratie expose dans ses galeries publiques de bons tableaux, des Whistlers et des Rossettis, des Degas et des Sargents, parce qu’elle les aime vraiment. La meilleure chose à faire serait ensuite d’exposer dans ses galeries publiques de mauvais tableaux, des oléographies et des photos de chiens éminents, parce qu’elle les aime vraiment. La pire des choses serait que notre goût soit guidé uniquement par les personnes cultivées. La pire des choses serait qu’il soit guidé uniquement par les personnes cultivées, et qu’il soit mal guidé. (Daily News, 23 juillet 1904)

Il y a, en fin de compte, des choses qu’un peintre de cinquième ordre sait et qu’un critique d’art de premier ordre ne sait pas ; il y a des choses qu’un organiste de sixième ordre sait et qu’un juge de musique de premier ordre ne sait pas. (« Browning et son mariage », Robert Browning)

C’est le début de toute critique d’art saine : l’émerveillement combiné à la sérénité totale de la conscience dans l’acceptation de cet émerveillement. (« La pantomime », The Common Man)

L’appréciation est la condition absolue de l’art. (New Witness, 16 août 1918)

Tout beau tableau est profond ; en ce sens que tout ce qui est beau signifie toujours plus que ce qu’il dit ; signifie peut-être plus que ce qu’il veut dire. (« Les limites d’un métier », Robert Louis Stevenson)

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